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Pollution et destruction sont elles des enrichissements ?


« Lorsque le dernier arbre aura été abattu, la dernière rivière polluée, le dernier poisson pêché, les hommes s'apercevront que l'argent n'était pas comestible. »

CHEF INDIEN


« Ce sera un jour un crime de tuer un animal comme c'est un crime de tuer un homme. »

LÉONARD DE VINCI


Parfois les hommes politiques se préoccupent d'évaluer la richesse au-delà du PiB(11).

Question : les accidents de la route enrichissent-ils les français ?

Oui, dit Patrick Viveret : « Dans la plupart des dossiers, de la vache folle à l'Erika, de l'amiante aux accidents de ta route, des conséquences de la grande tempête de décembre 1999 à la crise des carburants de l'automne 2000, il y a un point commun que l'on oublie curieusement de rappeler : ces catastrophes sont des bénédictions pour notre PIB »

Est-ce exact ? Non. Certes, la hausse du carburant augmente la dépense, donc augmente mécaniquement le PIB qui est composé de deux parties : l'épargne et la consommation. Passer une heure dans un embouteillage augmente le PIB(12), ma voiture ne bouge pas, mais ma dépense augmente. Mon stress aussi, donc ma dépense de médicaments. Peu importe que le paysage soit détruit par les gaz d'échappement. Mais prenons le cas des accidents de la route : « Les 120 milliards de coûts directs des accidents de la route (qui génèrent le triple en coûts indirects) contribuent à a croissance de notre PIB »(13). C'est faux , parce qu’un homme mort, disons à 30 ans, c'est 30 ans supplémentaires de revenus pour la collectivité évanouis avec cette disparition. Mutiplions 30 par le salaire annuel et nous verrons que la perte pour la collectivité est beaucoup plus forte que la dépense occasionnée par le transport de cet homme à l’hôpital, les soins, etc. De même, pour poursuivre le raisonnement de Viveret, «les 170 milliards induits sur la santé par la pollution atmosphérique sont bons pour le PIB ». Rien n'est moins sûr, pour les mêmes raisons. Il est donc essentiel de distinguer ce qui est dépense d'investissement et dépense de consommation (destruction en contrepartie d'une utilité: la destruction des farines animales, par exemple, n'est pas une consommation mais une destruction pure, comme la destruction d'un immeuble par une bombe).

En revanche, nous ne pouvons qu'approuver le philosophe lorsqu’il dit: « Dans le même temps, toutes les activités bénévoles qui grâce en particulier aux associations loi 1901 ont permis de limiter une partie de ces catastrophes, par exemple en allant nettoyer les plages polluées ou en aidant gratuitement les handicapés, n'ont permis aucune progression de richesse et ont même contribué à faire baisser le PIB en développant des activités bénévoles plutôt que rémunérées. » Raisonnement imparable. Tout ce qui est non monétaire n'est pas comptabilisé. Or, comme nous le verrons dans le chapitre 10, le progrès vient, le plus souvent, du collectif non monétaire, de l'action collective de l'humanité ne passant pas par le marché, comme la recherche ou l'éducation par exemple.

Prenons le cas du dilemme prévention-réparation. La médecine préventive coûte très peu alors que la médecine curative est très onéreuse. Est-il exact que la première n'est pas prise en compte par la richesse nationale, contrairement à la seconde ? La prévention par l‘incitation à ne pas fumer n'est pas comptabilisée dans la dépense nationale, tandis que les soins du malade à l’hôpital le sont. Cependant, par la prévention, il y a eu moins de maladies, donc le maintien en activité de certains individus. En fait, il faudrait comparer le temps de travail que coûte le malade à soigner, et le temps de travail qu’i eut fournir, bien portant tout au long de sa vie active. Or ce travail, économisé du fait de la non-maladie, est de fait bien comptabilisé dans le PIB ! Le travail de l’ouvrier ou de l’ingénieur qui n’a pas de cancer entre dans la richesse nationale. De sorte que la prévention, par ses effets indirects, est prise en compte dans le PIB ; En revanche, la médecine curative est une rime à a « casse » et à la « réparation ». Une prime aux objets jetables. Il est vrai que notre société est plus une société de « casse » (où les objets se dévalorisent vite et la nature est saccagée) qu'une société de prévention et de réflexion. Cette société poubelle, focalisée sur le court terme, est sans doute plus pauvre qu'une société attentive à la durée. « Plus je casse, Plus je remplace, donc plus je suis riche » est un mauvais raisonnement. Mais c'est le raisonnement économique marchand. La naissance de l'économie politique et du capitalisme est le triomphe de ‘individu, du calcul — de la raison calculatrice de homo œconomicus — et des besoins individuels, moteurs de toute chose. Voilà comment le PIB est devenu une somme de « richesses individuelles », totalement détachée de ce qui pouvait être un bien commun ou collectif, comme la nature, ou encore le patrimoine des langues parlées par l'humanité.

La casse que nous évoquons est une destruction, autrement dit, une simple consommation. Lorsque l'économiste autrichien Joseph Schumpeter parle de la « destruction créatrice », il pense à l'innovation et au progrès technique, qui sont des progrès de productivité du travail liés à sa réaffectation. La destruction de certains métiers (les moissonneurs à la faux, les cardeurs, les terrassiers à ta pioche...) a libéré d’immenses potentialités de travail. On assiste à une mutation du travail social humain, qui n'a rien à voir avec la « casse » précédemment évoquée qui relève du gaspillage.


Bernard Maris dans le tome 1 (les fourmis) de l’« antimanuel d’économie » p 279 - 2004


(11)Ainsi Miche Rocard, Premier ministre en 1988, et Guy Hascoët, secrétaire d'État à ‘économie solidaire en 2001, l'un et l‘autre confiant une mission d'évaluation à Patrick Viveret. Voir Patrick Viveret, Reconsidérer la richesse, Rapport au secrétaire d'État à l'économie solidaire, janvier 2002.

(12)Ibid., p.3.

(13)Ibid.


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