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Une idée morbide au cœur de la technique (Alain Gras)

Dernière mise à jour : 22 févr.


La justification du remplacement du travail vivant par le travail mort, comme le nomment les économistes marxistes, se trouve sans doute dans de nombreuses dimensions du social que l'économie politique étudie depuis longtemps: asseoir la domination du capital sur le travail, déposséder l'ouvrier de ses capacités à résister grâce à son savoir-faire, accroître la productivité apparente (celle mesurée par le nombre d'unités produites et appelée aussi « efficacité »). Encore fallait-il que la possibilité imaginaire existe pour qu'elle se réalise. L'automate offre, dans ce cadre, le moyen de pouvoir penser » l'acte technique hors de tout sujet immédiat et cette perspective une fois ouverte s'inscrira dans le champ des projets scientifiques légitimes. L'intelligence artificielle, le cognitivisme béat des chercheurs de neurones, le clonage même et plus généralement la mécanisation du vivant se fondent sur cette idée morbide: remplacer le sujet esprit-matière par un appareil dont on saura enfin qu'il est sans âme et sans corps, c'est-à-dire sans désir. Philip K. Dick fit de cette continuité automate-robot-clone (avant la lettre) le thème central de sa nouvelle Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques?, devenue Blade Runner à l'écran. La catastrophe, dans le récit de Dick, se produit lorsque les émotions apparaissent et viennent troubler le fonctionnement de la machine.

Fragilité de la puissance. Se libérer de l'emprise technologique, Fayard, 2003.

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