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Photo du rédacteurLuc JACOB

Les imprécisions de la june dite monnaie libre




Voici quelques réflexions et interrogations qui me sont venues lors des 7eme rencontres des monnaies libres à Laval (2 au 5 juin 2016). Quelles ne soient pas considérées comme des critiques, mais comme soit une incompréhension de ma part méritant éclaircissement à me donner, soit comme élément â prendre en compte dans la poursuite du projet. Il n'y a pas de hiérarchie dans la présentation, j'énonce ces réflexions en vrac…


- Dans la présentation il est établi un rapport direct entre la masse monétaire et la valeur de la monnaie détenue par chacun. Il est dit que si la masse monétaire double, la valeur de la monnaie diminue de moitié. C'est un raccourci et à mon sens une erreur conceptuelle. Si la masse monétaire double parce que la population double aussi, il n'y a pas de perte de valeur. De plus on constate en ce moment que si la masse monétaire a triplé depuis le début des années 2000, l'inflation quant à elle reste basse (sauf au niveau des produits spéculatifs) au point que les banques centrales cherchent désespérément à relancer un peu d'inflation. Bref, tout cela pour dire que la valeur de la monnaie détenue dépend bien moins de la masse monétaire que de l'inflation. (Terme ambigu puisqu’il signifie deux choses : augmentation de ma la masse monétaire et/ou augmentation des prix – Cette ambiguïté découle je suppose de la pensée monétariste qui ne considère la monnaie que comme un voile neutre, n’ayant d'incidence que sur les prix).Or les prix peuvent augmenter pour d'autres raisons que la seule augmentation de la masse monétaire, notre actualité nous en apporte la preuve. Il ne faudrait donc pas fonder l'argumentaire sur cette assertion. - Cela remet quelque peu en cause le lien qui est fait entre le DU et la masse monétaire. L'essentiel du principe est sauf car il y a égalité de traitement de tous les acteurs face à la création monétaire. Mais le pouvoir d'achat offert par le DU varie en fonction de l'évolution des prix. Cette évolution dépend alors du poids que pèse la monnaie libre dans l'économie globale. Si elle est très dominante elle influence les prix. Mais n'oublions pas que, sauf changement profond de paradigme, c'est le « marché » qui forme les prix, de sorte qu'il conviendrait de faire évoluer le DU en fonction de l'évolution des prix, plutôt que par alignement sur le pourcentage d'évolution de la masse monétaire. Que recherche-t-on? À maintenir la relativité entre masse monétaire et DU ou préserver le pouvoir d'achat des acteurs? Une solution serait sans doute de pendre en compte l'évolution des prix dans la fixation du pourcentage d'évolution de la masse monétaire. - L'augmentation de la masse monétaire à l'infini vise à mettre à égalité tous les acteurs au fil du temps. Elle décourage l'accumulation et place tous les acteurs dans une dynamique qui tend vers une moyenne. (si j'ai bien compris…). Le principe philosophique est noble mais dans une économie mondialisée est-ce jouable? Le DU, donc le revenu des gens, augmente de manière exponentielle. D'un côté cela améliore leur pouvoir d'achat, mais d'un autre comment le DU peut-il être considéré comme une devise permettant les échanges au plan international? Là encore c'est envisageable dans le cadre d'un autre paradigme, mais pour l'heure, comment les échanges au plan international pourraient ils se faire dans un paysage de monnaies conventionnelles? En terme d'économie marchande, une monnaie créée ex nihilo et déconnectée de tout sous-jacent d'actif n'a pas de valeur d'échange. - Parmi les 4 libertés fondamentales pour qu'une monnaie soit libre celle-ci me pose question: L'individu est libre d'utiliser les ressources. À notre époque où la raréfaction des ressources naturelles est au cœur de nos défis, et où l'exploitation de certaines ressources ont des effets collatéraux gravement préjudiciables, cette liberté n'est-elle pas la porte ouverte au n'importe quoi? J'ai bien compris que la monnaie libre se veut être un véhicule neutre et qu'il appartient aux humains de le conduire. Mais la monnaie est pour le moment l'outil principal utilisé pour favoriser tel comportement (inciter à l'achat d'un produit par son prix par exemple) ou pour orienter les comportements (par incitation fiscale, pénalités etc.). Dans un espace où la monnaie est créée ex nihilo, la fiscalité n'est plus nécessaire puisqu'on n'a plus besoin de recettes pour financer les besoins N'est-ce pas le fléchage de la monnaie vers une consommation responsable qui répondrait le mieux au défi qui est le nôtre? Mais dans ce cas est-on encore dans le cadre des monnaies libres? - je ne vois pas qu'il soit fait une distinction entre intérêt particulier et intérêt collectif. Qu'au niveau individuel on se débrouille avec le DU pour répondre à nos besoins et financer nos projets propres, fort bien. Mais au niveau collectif il est proposé que les projets soient financés par contribution volontaire sur le modèle du « crowdfunding ». J'y vois deux difficultés. 1- Cela donne un avantage à celui qui ne contribue pas. Il pourra bénéficier du bien ou du service rendu possible par la contribution des autres, en ayant conservé la totalité de son pouvoir d'achat. 2- C'est faire perdurer une logique de « rareté monétaire » très pénalisante. Ce n'est plus l'accès à la monnaie qui doit conditionner la réalisation de nos projets collectifs, mais leur pertinence et en premier celle de leur compatibilité avec ce que la planète peut soutenir. Si une collectivité a: – un besoin (collectivement identifié et souhaitable), – la volonté de le satisfaire, – les moyens techniques et énergétiques, – un excès de main d’œuvre et le savoir-faire, Alors rien n'interdit sa réalisation en dehors d'une empreinte écologique insupportable. La monnaie nécessaire est alors créée à la hauteur qui convient. Rendre le projet dépendant de la capacité/volonté de financement de la population serait contre-productif. C'est l'existence de la richesse réelle et le désir de réaliser le projet qui crée la monnaie et non la pré existence de la monnaie dans une communauté qui doit le conditionner. - Se pose aussi la question de son intégration dans le paysage économique actuel. La valeur d'un système monétaire repose plus sur l'acceptation de la monnaie que sur la « perfection théorique » du système. La monnaies libres veulent n'avoir aucun lien avec les monnaies-dette (lien qui est « reproché » aux MLCC). Maintenant soyons un peu pragmatiques. Si je suis patron d'un petit commerce, je n'accepterai pas cette monnaie à moins d'avoir autour de moi un réseau assez vaste et diversifié qui m'assure la possibilité d'utiliser cette monnaie. C'est le chat qui court après sa queue. Je dirai, ok revenez me voir quand le réseau existera, mais peut-il exister si tout le monde à la même attitude? Cela demande un haut niveau d'engagement et une croyance ferme dan la validité du système pour prendre au moins un risque supportable. Encore une fois ce n'est pas le tout de recevoir un DU, encore faut-il pouvoir l'utiliser, faute de quoi le système perd de sa valeur. J’ai bien compris que les monnaies libres doivent être considérées à moyen, voire plutôt à long terme; mais pour que le paysage change et permette l’intégration de ces monnaies dans le paysage, il faut qu'elles puissent s'incarner pour que les utilisateurs puissent explorer la validité du système. La balle est dans le camp du « Sou » qui planche sur la mise en service de sa monnaie libre… à suivre… Enfin, Je constate dans notre société moderne, et la monnaie libre n'échappe pas à la règle, que l'humain a perdu confiance en sa capacité à construire une monde juste. Un regard derrière nous nous force à constater que seules les connaissances et les techniques ont évoluées. L'humain n'a pas bougé en conscience. Dans ces conditions la tendance à mettre tous nos espoirs dans les "progrès" de la science est forte. Et je vois dans le fait de vouloir abolir toute forme de centralisation dans la création monétaire et l'administration de la monnaie la croyance qu'on a tout intérêt à confier à une machine ce que manifestement les hommes ne parviennent pas à faire correctement. C'est tout le rapport de l'humain à ses outils qui est questionné ici. Vouloir faire faire à la machine ce qui relève de la responsabilité humaine conduit l'homme à devenir esclave de ses outils. Notre société le démontre dramatiquement dans tous les domaines. Et tandis que l'intelligence humaine est accaparée en grande partie par le "devoir gagner des sous", c'est autant de pris sur le sens de nos vie. La question n'est pas et ne devrait pas être l'argent (puisque son émission ne dépend que de la volonté humaine) mais "qu'est-ce que je veux"pour que mon passage sur cette terre ait du sens, soit épanoui et nourrissant. Le débat public devrait porter exclusivement sur ce "qu'est-ce qu'on veut" pour que chacun ait en suffisance, en dignité, en équité, les possibilités n'ayant plus pour limite l'accès à l'argent mais ce que la planète peut soutenir. Je crois ce point crucial. Nos expériences monétaires actuelles continuent trop à se focaliser sur le système monétaire lui-même, plutôt que de nous amener à reconsidérer la richesse (cette distinction que j'introduis entre richesse réelle et richesse symbolique) Ainsi, qu'il s'agisse de la monnaie libre, des MLCC, des Sels, et autres... Le vrai défi est de les concevoir comme un simple moyen à grandir en conscience afin de nous LIBÉRER de notre inversion de représentation de la richesse qui nous conduit malgré nous à traiter nos moyens comme une fin en soi. Voilà, je crois avoir avoir fait le tour Philippe Derudder


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