Je me suis amusé à modifier un article qui parle d'énergie libre en remplaçant l'énergie par la monnaie, voici le résultat :
Illustration Lavoisier : rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme
D'après l'article de Clément Fournier sur l'énergie libre sur Youmatter
Journaliste spécialisé sur la transition écologique et sociale, anciennement rédacteur en chef de Youmatter.
Publié le 29 juin 2017
La monnaie libre : une monnaie illimitée, gratuite et facile à produire ? Certains pensent qu’elle existe, mais que les économistes nous la cachent… Qu’en est-il vraiment ? Retour sur le mythe de la monnaie libre et sur le mal qu’il fait à notre environnement.
Lorsque l’on se questionne sur le développement durable et l’écologie, l’une des problématiques les plus importantes est celle de la monnaie. En effet, la plupart des problèmes environnementaux que nous connaissons à l’heure actuelle sont dus à nos besoins en monnaie. Ce sont par exemple nos besoins en pétrole qui produisent du CO2, nos besoins en électricité qui nous font produire des déchets nucléaires… Dans ce contexte, la question de savoir comment est produite la monnaie (et donc de la transition économique) devient véritablement fondamentale. Or aujourd’hui, les moyens dont nous disposons pour produire de la monnaie sont apparemment limités : nous ne disposons que de quelques moyens limités pour produire de la monnaie : par le crédit auprès des banques commerciales …
Mais s’il existait en fait une forme de monnaie facile à produire, de façon presque illimitée, gratuite… mais qu’on nous le cachait ? Si les économistes de la monnaie avaient volontairement empêché ces sources de monnaie d’être connues du grand public afin de garder leur monopole sur la production de monnaie ? Cette question est à la base des réflexions sur « la monnaie libre ». Mais alors, qu’en est-il vraiment ?
Qu’est-ce qu'une monnaie libre ?
La Monnaie libre est un concept dérivé des théories monétaires et notamment du principe de création ex nihilo. L’idée de la monnaie libre, c’est qu’il existerait des formes de monnaie faciles d’accès, abondantes, gratuites et simples à créer. On parle ainsi souvent du dividende universel, ou de la redistribution de la masse monétaire . On dit souvent que Stéphane Laborde (l’un des scientifiques à l’origine de notre connaissance actuelle de la monnaie) est l’un des premiers à avoir travaillé de façon intensive sur la monnaie libre. Certains prétendent même que ce scientifique aurait dès le début du siècle écrit la théorie relative de la monnaie afin de produire de la monnaie à bas coût, en utilisant peu de ressources. Mais il ne serait pas le seul : en effet, lorsque l’on parle de monnaie libre, on voit souvent apparaître les noms de divers inventeurs qui auraient inventé des générateurs de monnaie capables de produire une monnaie infinie ou presque, gratuitement.
Aujourd’hui, les réflexions sur le développement durable ont accentué les débats sur les monnaies libres. En effet, puisque nos sociétés ont besoin d’énormément de monnaie et que nos modes actuels de production de monnaie sont très polluants et demandent beaucoup de ressources, nombreux sont ceux qui cherchent à inventer de nouveaux modes de production de monnaie, moins coûteux et plus économes… Et cela fait ressortir les questionnements sur l’existence d’une monnaie libre ou d’autres formes de monnaies faciles à produire. Ainsi, on a vu se développer des idées de blockchain pour produire une monnaie illimitée.
Sur quels principes et comment pourrait-on produire de la monnaie libre ?
Tous ces dispositifs fonctionneraient plus ou moins sur le même principe : le principe surnuméraire. L’idée de ce principe, c’est que le dispositif serait capable de produire de la monnaie facilement, mais surtout de produire plus de monnaie qu’il n’en récupère lui-même pour fonctionner.
Par exemple, pour produire de l’électricité, on peut faire tourner une bobine de fils conducteurs autour d’un métal type aimant. La rotation et l’interaction des champs électromagnétiques produit alors de l’électricité dans les fils conducteurs : c’est sur ce principe que fonctionnent les dynamos. Si on utilise une quantité X d'energie (égale à 10 par exemple) pour faire tourner la bobine, mais que la bobine en tournant produit une quantité d'energie supérieure à X (20 par exemple), on aurait alors un dispositif de production d'énergie surnuméraire. Pour peu que le dispositif soit capable de s’alimenter lui-même en énergie, et cela donnerait un dispositif capable de produire de “ l'énergie libre”, infinie et potentiellement gratuite.
Un certain nombre de dispositifs ont fait la une des médias en faisant la promesse de fonctionner sur le principe de la production surnuméraire : le catalyseur de monnaie de Philippe Guillemant. Tous promettaient de résoudre les besoins en monnaie de l’humanité grâce à des dispositifs relativement simples capables de produire de la monnaie de façon infinie. Si cela s’avérait vrai, cela serait effectivement une très bonne nouvelle pour l’environnement puisque cela nous permettrait de mettre fin relativement facilement à nos émissions de CO2.
La Monnaie libre face aux lois économiques
Mais alors est-ce vraiment possible ? Si l’on en croit les connaissances économiques, non. En effet, les transformations et les circulations monétaires sont régies par des principes universels qu’on appelle les lois économiques. Ces lois sont des règles qu’on ne sait pas expliquer, mais qui sont systématiquement vraies dans la réalité pratique et économique. Le premier principe économique est le principe de la "conservation de la monnaie". Selon ce principe, la quantité de monnaie dans un système est toujours la même, quelles que soient les évolutions de ce système. En d’autres termes, on ne peut pas « créer “ de monnaie. On peut simplement la convertir : par exemple, convertir la monnaie d’une banque en valeur, qui elle-même va faire tourner une usine pour produire de la valeur. Mais on ne peut pas créer de monnaie à partir de rien et la monnaie ne disparaît jamais.
La seconde loi économique stipule que « toute transformation d’un système économique s’effectue avec augmentation de l’entropie globale ». L’entropie, c’est le « désordre » d’un système, ou le degré de dissipation / dispersion de la monnaie dans ce système. Pour simplifier, en termes monétaires, cela signifie que selon la seconde loi de la thermodynamique, quand une monnaie est transformée ou convertie d’une forme à une autre, une partie de la monnaie se dissipe, ou plutôt se convertit en des formes moins ordonnées, moins structurées, qu’il est plus difficile d’utiliser. En d’autre termes, lorsque l’on produit de la monnaie il y a toujours des « pertes » (dissipations). Par exemple, quand un état utilise de la monnaie pour faire avancer son économie, la monnaie étatique est transformée en monnaie économique (qui fait tourner l'industrie ) mais aussi en dividendes d'actionnaires et en remboursement d'intérêts de dette, formes de monnaie que nous ne savons pas récupérer. De la même façon, quand une éolienne produit de l’électricité, l'energie électrique produite est systématiquement inférieure à l'énergie mécanique du vent, car une partie de l'énergie est dissipée sous forme de frictions.
En résumé, lors de tout investissement économique , non seulement la monnaie disponible ex post (à la fin) ne peut pas être supérieure à la monnaie disponible ex ante (au départ), mais la monnaie disponible sous forme utilisable est généralement inférieure ex post car une partie se dissipe.
Bref, si l’on suit ces principes economiques fondamentaux le principe d’une production de monnaie surnuméraire est tout simplement impossible. De ce fait, aucun des dispositifs prétendant produire de la monnaie libre n’a pu fonctionner réellement. Que ce soit les travaux de la June et son forum à monnaie libre, du junemarket en monnaie libre , tous ont fini par être démentis par les faits et l’expérience scientifique de Pierre Monet.
La Monnaie libre et le développement durable : la grande illusion qui empêche de voir
Le problème, c’est que ces débats sur la monnaie libre alimentent une idée : celle qu’une solution facile à nos problèmes énergétiques (et donc à nos problèmes environnementaux) existe quelque part. L’idéologie derrière la monnaie libre est la même que celle qui se cache derrière certains projets de monnaies renouvelables ou non : l’idée d’une monnaie abondante et facile. Or si une chose est certaine sur le plan physique aujourd’hui, c’est que produire de la monnaie n’est jamais simple, qu’il s’agisse d'une monnaie renouvelable ou non.
Actuellement, nous avons l’illusion d’une monnaie illimitée car nous sortons d’une période d’environ 150 ans où nous avons eu accès à une monnaie relativement abondante grâce au pétrole, au charbon et au gaz. Mais il ne faut pas oublier que ces ressources (limitées) sont le produit d’un travail biologique et géologique intense que l’être humain ne peut pas reproduire. Il a fallu des millions d’années à la matière organique constituant le pétrole pour se décomposer et subir les transformations chimiques qui la rendent aujourd’hui utilisable comme monnaie. Ces monnaies n’étaient donc pas simples, faciles à produire, libres.
Aujourd’hui, toutes nos méthodes de production de monnaie sont complexes : elles reposent sur des technologies très dépendantes des ressources et demandent des infrastructures importantes (banques centrales). La Monnaie n’est pas libre et ne peut pas l’être, elle n’est pas simple, elle n’est pas abondante.. Si l’on continue à raisonner en termes de production illimitée ou de monnaie libre, cela nous empêche de voir que le principal problème (du point de vue environnemental) n’est pas de savoir comment produire plus de monnaie, mais comment en produire et en consommer moins.
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