"La métaphore des trous" par Jean-Christophe Duval
La monnaie doit être vue comme de la comptabilité. Lorsque la banque crée de la monnaie, elle fait 2 choses : elle crée un solde positif (la monnaie) et un solde négatif (la dette).
1) Imaginons que la dette est un trou dans le sol, le niveau du sol plat est le « 0 » comptable. Lorsque la banque crée de la monnaie, elle creuse un trou par des coups de pelle . Ainsi, les coups de pelle (monnaie soldes +) sont au-dessus du sol (0) et le trou (dette solde -) est sous le niveau du sol (-). Donc si la banque crée 100 coups de pelle (monnaie en solde +) elle crée simultanément un trou d’une profondeur (-) de 100 coups de pelle.
Vous avez compris que ce n’est que de la comptabilité de base, sauf qu’au lieu d’utiliser des comptes en « T » (partie double) je fais une métaphore qui va nous permettre de comprendre plus rapidement et d’aller plus loin et plus vite et d’identifier clairement le dilemme de la dette et la croissance de notre économie d'extraction et de nuisances.
2) L’entreprise qui a emprunté les coups de pelle va s’en servir pour régler ses achats, son industrie, sa matière première, etc. Ainsi, elle va envoyer ses coups de pelle à d’autres entreprises qui elles-mêmes avaient des trous, ce qui permettra à ces dernières de les combler.
C’est à ce moment qu’il convient de parler de la loi des flux et des reflux. Lorsque la banque crée de la monnaie lors du crédit, elle crée un flux. Et lorsqu’une entreprise, un ménage ou l’État rembourse son crédit (les coups de pelle comble le trou) la dette et la monnaie se neutralisent (-X+X=0), c’est la loi du reflux monétaire.
3) Il est aussi possible que les entreprises étaient déjà pérennes, dans le sens où elles n’avaient plus de dettes. C’est ici qu’intervient dans cette métaphore, la notion de montagne (épargne ou accumulation de cashflow, ou de soldes +, voire évasion fiscale).
Nous voyons que la fameuse formulation de J.A Schumpeter en 1930 s’applique parfaitement ici : « Ce sont les crédits qui font les dépôts ! » pas le contraire ! Effectivement, si des montagnes existent et que le niveau du sol est à « 0 », c’est forcément que des trous existent par ailleurs.
4) Les choses ne s’arrêtent pas là. Parlons maintenant de la notion d’intérêts. Dans cette métaphore, disons que les intérêts sont comme des petites poignées de terre prélevées sur chaque coup de pelle et allant ainsi alimenter la hauteur des montagnes (épargnes et/ou dépôts).
Nous voyons ainsi se profiler le dilemme : Comment combler entièrement des trous anciens si des poignées de terre manquent à chaque coup de pelle ? La réponse très simple : en creusant des trous plus grands.
Dans cette logique, c’est l’endettement des suivants qui permettra le désendettement des précédents, et les trous que les suivants devront creuser devront nécessairement devenir de plus en plus grands !
De plus, nous vivons dans un monde où règne l’illusion dramatique où les gens supposent (et les banques les laissent supposer) que c’est grâce à leur épargne que le crédit est possible, alors que c’est le contraire ! C’est grâce au crédit que les épargnes gonflent !
5) Faisons maintenant le lien entre tout ceci avec l’économie extractive et cette obligation de croissance qui nous gouverne. On a compris que le principal souci des banques est le risque financier. Ainsi, les banques ne prêtent qu’à la condition de rentabilité. Mais qu’est-ce que la rentabilité ? De la production de marchandises ou des services liés à la marchandise (communication, juridique, import, export, SAV, etc..) ou encore des services suscitant le désir particulier de consommation (restaurant, casino, cinéma, voyage, etc.. ). Mais la réalisation financière de toutes ces choses est motivée par l’idée de créer du désir pour vendre, condition obligatoire de la rentabilité (théorie de l’utilité marginale décroissante).
C’est pour cette raison qu’étrangement, on trouvera « normal » de promouvoir l’industrie de smartphones à obsolescence programmée alors que c’est absurde et générateur d’entropie, mais très rentable... et on ne se permettra pas de dépolluer les océans parce que ce n’est pas rentable donc, in-finançable.
C’est à cet endroit qu’il convient de diviser l’économie en deux grands volets : le désir particulier et les nécessités collectives. Ces deux domaines ne sauraient être financés de la même manière car ils n’obéissent pas à la même logique économique. CONCLUSION : La rentabilité étant le seul gouvernail de notre système bancaire et monétaire, la seule façon de combler nos trous financiers est d’en creuser de nouveaux plus grands, et comme la rentabilité est facteur de dégâts écologiques, sociaux et humanitaires, NOUS NOUS OBLIGEONS À CREUSER DES TROUS DE PLUS EN PLUS PROFONDS DANS LA NATURE POUR COMBLER DES TROUS DE PLUS EN PLUS GROS SUR NOS FEUILLES DE COMPTABILITÉ ! L’agonie de notre monde s’accompagne ainsi de la vénération persistante de ce qui le tue. Jean-Christophe Duval
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